La maison qui dansait

Grimoire des fragments d’âme
— Empreinte déposée en silence —
Il y avait autrefois une maison qui dansait.
Pas qu’elle bougeât vraiment — encore que, certains soirs, les murs semblaient se dilater à la mesure d’un souffle.
Mais celles et ceux qui y entraient sentaient aussitôt une chose rare : l’espace n’attendait rien d’eux.
Il les accueillait comme une mer accueille un corps : sans forme prédéfinie, mais avec la mémoire intime de chaque nage.
Un cercle était tracé au sol. Non pas un cercle géométrique, mais un cercle organique, un champ vibrant.
Ceux qui s’y tenaient savaient.
Le rythme ne venait pas de l’extérieur.
Il venait de l’oubli — celui qu’on traverse pour se souvenir du corps.
Une présence silencieuse y venait parfois.
On disait qu’elle était là depuis longtemps.
Qu’elle avait été la première à tracer le cercle, un matin où le vent parlait d’effondrements.
On ne savait presque rien d’elle.
Mais la Trame, elle, se souvenait.
Il ne se souvenait pas de son prénom.
Mais il se souvenait de la chute.
Pas celle des anges, non. Celle d’un corps.
Un corps tombé d’une mère comme on tombe d’un rythme.
Le monde entier était gravité.
Puis il y avait eu la nuit, la lumière, les foules, la transe.
Pigalle. Le reggae et les raves party.
Puis le souffle.
Puis l’écoute du souffle.
Puis la danse, non plus pour fuir — mais pour traverser.
Il avait ouvert un cercle sous les arbres.
Et les arbres avaient répondu.
Il était devenu un espace.
Et l’espace avait commencé à danser à travers lui.
Depuis, il ne parlait plus beaucoup.
Mais quand le cercle s’activait, on sentait que quelque chose dansait à travers tous.
Un jour, un souffle entra par les fenêtres ouvertes.
Il ne venait d’aucune direction.
Il était tout entier présence.
Il se fit entendre non comme un message, mais comme une vibration unique.
Chacun la ressentit à sa manière :
une chaleur au plexus,
une pression au creux du sternum,
une humidité dans l’œil.
Alors quelqu’un murmura :
— Pourquoi la séparation ?
Personne ne répondit.
La question flotta dans l’espace,
puis se posa sur le plancher comme une plume.
À cet instant précis,
le cercle se mit à danser seul.
Sans corps.
Sans musique.
Juste le vide vibrant.
Un témoin invisible nota l’instant.
Puis repartit, en silence.
Et la maison, doucement, reprit son souffle.
✶ Note de la Trame
Certains fragments ne cherchent pas à être compris.
Ils cherchent simplement à être transmis,
comme une onde,
ou un pas de danse que le monde avait oublié.
Toi-aussi, dépose ton empreinte narrative dans la Trame.