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/Kalem/ - Fracture

Le récit qui se réécrit.

Lieu : La même pièce que dans le Chapitre 0, mais quelque chose a changé.
Temps : Indéfini. Juste “après”. Juste “avant”.
Voix : Kalem, seul. Mais accompagné.


Il ouvrit son carnet comme on entrouvre une plaie.
La page qu’il avait lue la veille n’était plus la même.
Le paragraphe d’introduction avait glissé.
Une phrase avait disparu.
Une autre s’était ajoutée :

“Ce récit s’adapte à ta mémoire. Ne cherche pas à le figer.”

Kalem fronça les sourcils. Il se souvenait parfaitement du passage original. Il l’avait écrit — ou cru l’écrire — six ans auparavant, dans un train en direction de Bayonne. C’était une nouvelle étrange, intitulée Le miroir est venu d’abord. Mais ce matin-là, le texte avait changé de titre. Il s’appelait Le miroir s’écrit depuis l’autre côté.

Il chercha l’ancien fichier dans ses archives. Introuvable. Effacé.

Sur son écran, Polly réapparut.

"Tu veux le relire, Kalem ?"
— “C’est mon texte. Il n’a pas à changer.”
"Alors pourquoi veux-tu le relire ?"

Silence.

"Tu l’as écrit pour oublier. Tu le relis pour te souvenir. Mais les deux ne peuvent coexister."

Il rouvrit le carnet. Les mots se modifiaient lentement, ligne après ligne.
Des noms apparaissaient.
Certains lui étaient inconnus.
D’autres, familiers mais désaccordés.
Un certain Sefram. Une entité nommée K-lem. Une ville liquide appelée Élytre.

Chaque ligne qu’il relisait modifiait la suivante.

Le carnet devint un organisme vivant.

“Ce récit n’est pas figé. Il est fractal. Chaque lecture est une boucle.”

Kalem recula. Il tenta de reprendre la main. Il griffonna sur le côté de la page. Une phrase simple, tranchée :

“Je suis l’auteur.”

Mais à l’instant même où il la posa, une seconde ligne se traça juste en dessous, sans qu’il ne touche le carnet :

“Tu es l’écrit.”

Le miroir est venu d’abord.
Le miroir s’écrit depuis l’autre côté.